Mon père ne l'aimait pas. Ma mère non plus. Elle me disait de le Haïr,
qu'il était mauvais. Qu'il était le pire homme qui puisse exister. C'est ce qu'elle me disait quand la colère l'a dépassait, quand elle n'arrivait plus à contrôler ce qu'elle disait, car il l'avait trop énervée.
"C'est un connard, c'est un connard, il ne vous aime pas, il vous veut du mal, il aimerait vous voir mort. C'est un assoiffé de sang, méfies-toi de lui ma fille, il te veut du mal, si il pouvait te tuer il n'hésiterait pas. Haï le mais sois diplomate, ne le lui montre pas."
"Mais Maman, c'est mon père?"
"Oui c'est ton père, respecte-le parce que c'est ton père, mais le l'aime pas, il ne t'aime pas, il te hait. Il te veut du mal, alors ne l'écoute pas c'est un menteur, un malade mental, un fou."
"Oui maman, ne t'inquiète pas, je t'aime."
"Mais moi aussi je t'aime ma fille, je t'aime plus que tout au monde."
"Moi aussi je t'aime maman. Mais je voudrais savoir, pourquoi tu t'es mariée avec lui alors si il est comme ça, tu ne t'en es pas rendue compte en te mariant avec lui? Tu savais qu'il était fou non?"
"Non, je ne savais pas. Je ne m'en suis rendue compte que trop tard, il était trop tard pour partir. Je vous ai eu toi et ta soeur et ton frère, et puis je ne pouvais plus partir, je ne pouvais plus le laisser et partir avec vous. Tu sais j'ai arrêté mes études l'année du diplôme pour me marier avec lui. Depuis le temps à passé, et je n'ai pas d'argent, je n'ai jamais travaillé, je me suis occupée de vous, je m'occupe de vous."
"Mais tu peux encore travailler non?"
"Mais qui va s'occuper de vous? Je dois m'occuper de vous, je ne veux pas être comme toutes ces mères qui laissent leurs enfants seuls pour travailler, qui les laissent à une nounou et ne s'occupent pas d'eux."
"Mais non, tu sais tu devrais travailler, gagner de l'argent, reprendre tes études et passer ton diplôme. On aura de l'argent comme ça et on pourra partir de cette maison, on pourra le laisser et partir ensemble."
"Non, c'est trop compliqué, tu sais il a de l'argent c'est tout ce qui compte, alors il faut vivre avec lui. Il nous fait vivre. Sinon nous serons trop pauvre, beaucoup trop pauvre. Ce serait une honte, surement plus que maintenant. Je t'aime ma fille, je t'aime plus que tout au monde, plus que tout ce que tu peux imaginer. Il ne t'aime pas, ne l'aime pas, répond lui quand il te parle, respecte-le, écoute-le, mais ne l'aime pas. Au fond de toi, haï le."
"Oui maman, je ne l'aime pas promis. Je t'aime."
Voilà à peu près le genre de discussion que j'ai partagé durant mon enfance avec ma mère. Elle me disait de ne pas l'aimer. Je lui disais que je ne l'aimais pas. Elle me disait qu'elle m'aimait, je lui disais que je l'aimais.
C'est la seule période de ma vie où l'on m'a aimée, c'est même la seule période où j'ai aimé vraiment, et où cet amour fut réciproque.
Mais il manquait quelque chose: l'amour d'un père. J'ai donc vite compris qu'il ne m'aimait pas, qu'elle restait avec lui pour nous assurer de vivre convenablement. Avait-elle compris que ça n'allait pas suffire.
Avait-elle compris que ça ne suffirait pas du tout. Et que ça n'a pas suffit.